LES FOUS
ACTE PREMIER
SCENE I
ANGELIQUE, JACINTHE
JACINTHE
Il faut, au pis aller, s’y résoudre Madame
ANGELIQUE
Quoi, d’un jaloux vieillard je me
verrais la femme ?
Jacinthe, nous
aimons l’honnête liberté,
Nous serions toutes deux dans
la captivité ;
Plus de bal ,d’opéra,
de jeu,
de comédie,
Qui faisaient nos plaisirs.
JACINTHE
J’en suis toute étourdie,
Car comme il est concierge ici de l’hôpital,
Il croira de ses fous nous faire un grand régal ;
Que nous serons sans cesse autour de ses malades ;
Et que nous bornerons ici nos promenades :
Que nous prendrons plaisir à divertir leurs maux ;
Et que nous deviendrons des piliers d’hôpitaux,
ANGELIQUE
Il se tromperait fort.
JACINTHE
Oh ,vraiment je le pense !
Nous ne sommes pas d’âge à faire pénitence.
ANGELIQUE
Je devine tous
les maux qu’ il me faudra souffrir,
Non, Jacinthe, il
vaut mieux me résoudre à mourir.
Léandre me laisser au bord du précipice !
JACINTHE
Mais…..
ANGELIQUE
Cesse , en l’excusant d’augmenter mon supplice,
Et puisque mon hymen se conclura ce soir,
Qu’il montre son amour, :qu’il
montre son pouvoir.
S’il m’aime comme il dit, si je lui suis si chère,
Qu’il vienne m’ enlever dans les bras de mon père,.
Qu’il me sauve de ceux de ce jaloux vieillard !.
JACINTEJACINTHE
C’est un monstre en effet que ce Monsieur Grognard .
ANGELIQUE
Mon père le croit riche , et veut que
je l’ adore ;
IL faut feindre d’aimer ce que mon cœur abhorrre.abhorre.
JACINTEJACINTHE
Cet amour quoique feint paraît plus emporté….
ANGELIQUE
C’est pour être avec lui moins en captivité .
Toi- même
m’as donné cet avis : et je
l’observe ;
Et pour plaire à mon père il faut que je m’en serve.
Si, dit-il, je ne l’ aime avec emportement,
Il me fera finir mes jours dans un couvent.
Vois pour les abuser comme il faut que j’agisse.
JACINTEJACINTHE
Vous avez un esprit qui se démonte à vice.
ANGELIQUE
Faut-il, aimant Léandre avec tant d’ardeur,
Que son père tout seul ait causé mon malheur ?
Car le mien y trouvant un fort grand avantage,
Consentait avec joie à notre mariage.
Il chérissait Léandre, il l’aimait tendrement,
Et son père tout seul y mit empêchement.
JACINTEJACINTHE
Il voulait pour son fils une fille fort riche
Et vous ne l’êtes pas
.Et le vôotre
plus chiche,
Prétend qu’à son défaut ce concierge des fous,
Sachant qu’il a du bien, soit demain votre époux.
Mais j’admire ceci. Son avarice extrême
Chez ce futur époux vous amène lui- même.
Et de peur qu’ il n’échappe , il prétend
aujourd’hui
Ou demain au plus tard, vous marierz
chez lui ;
Et même sans prier aucun de la famille.
Qui jamais de la sorte a marié sa fille ?.
ANGELIQUE
Mon père est attaqué de la goutte, il est vieux…….
JACINTEJACINTHE
Que la goutte remonte, on en sfera
bien mieux.
ANGELIQUE
Si tous ces maux pouvaient retarder mes fiançailles !
Mais Léandre est- il donc entre quatre murailles ?
JACINTEJACINTHE
Il peut tout ignorer.
ANGELIQUE
Dis qu’il peut m’oublier.
Répond-il à ma lettre ?
JACINTEJACINTHE
On lui vient d’envoyer.
Jocrisse l’a portée, il faut ici l’attendre.
A la première ligne il se va sûrement se
pendre.
Si proche de vous perdre, il n’en guérira pas.
ANGELIQUE
Il s’en pourra guérir, s’il lit un peu plus bas.
La lettre est obligeante.
JACINTEJACINTHE
Oui, s'il la lisait
toute,e ;
Il trouverait de quoi se consoler sans doute,
Et s’il faisait le fou, comme vous lui demandez,
Monsieur Grognard et vous seriez désaccordésez.
ANGELIQUE
Je serais fort souvent aux grilles de la loge.
JACINTEJACINTHE
Mais quand on chante un peu d'abord on en déloge...
ANGELIQUE
Oui, les musiciens sont tous libres.
JACINTEJACINTHE
Eh bien,
Il peut ici passer pour un fou musicien :
EtT vous
avez ayant la
voix assez belle, il me semble
Que vous pourriez souvent vous accorder ensemble.
ANGELIQUE
Si je pouvais sortir.
JACINTEJACINTHE
Vous ne le pouvez pas.
M. GROGNAARD
(derrière le théâtre)
Angélique.
ANGELIQUE
Monsieur ?
JACINTEJACINTHE
Vite, doublez le pas.
Scène II
JACINTEJACINTHE,
JOCRISSE
JACINTEJACINTHE
Que fait Léandre donc ? dis,s Jocrisse.
JOCRISSE
Il enrage.
Je crois que ton papier était un sorcilagesorcellerie;
Il a dit, le lisant , puis-je croire cela ceci ?!
HaAh, diable d’innocent , que
m’apportes-tu là ?
Puis prenant ses cheveux, et la peau de sa tête,
Il s’est tout écorché d’une force…..
JACINTEJACINTHE
La bête !
Les cheveux et la peau . Jocrisse ,
ne mens-tu
pas ?
JOCRISSE
Non , la peau , les cheveux, oui j’ai vu tout à bas.
JACINTEJACINTHE
Sa belle tête est donc d’ une laideur extrême ?
UnN
reste de viau veau qu’on réchauffde est
de même.
Qu’avaitoir
donc ce papier ?
JACINTEJACINTHE
Quelques enchantements.
JOCRISSE
Dieu m’a bien assisté de ne point voir dedans
Comme je me sferais
accommodé la tête.
JACINTEJACINTHE
Voici venir le père et l’amant , va-t'-
en bête !
Il pleure , il va partir sans doute pour Poissy ;
C’est que son frère est mort . Laissons-
les seuls ici.
Scène III
M . GROGNARD, M.VILAIN.
M. GROGNARD
Hélas Monsieur
Vilain, que d’épines aux roses !.
M. VILAIN
Monsieur ,Grognard il faut mettre au pis toutes choses :voyez au pis les
choses :
Votre frère est fort vieux , iIl
pourrait bien partir.
M. GROGNARD
Si son mal s’
augmentait, on viendrait m’avertir.
Notre amitié, monsieur , n’ eut
jamais de semblable ;
S’il mourait, je serais un homme inconsolable.
M. VILAIN
Si vous en héritez, pourquoi vous alarmerz ?
M. GROGNARD
HéEh, ce n’est pas son bien qui me le fait aimer
Il a su l’acquérir il en est le seul le maître.
M. VILAIN
Vous en frusteraitfrustrerait
–il ?
M.GROGNARD
EtT
que sait -on ? Ppeut
–être.
Nous nous aimons tous deux tendrement, et je crois
Qu’il ne le donnerait à personne qu’à moi.
Mais plus que ses trésors sa personne m’est chère ;
Et s’il meurt , tout son bien ne me console guère.
M. VILAIN
Nous ne sommes pas de sentiments égaux ;
L’argent est, , ce me
semble, un remède à tous maux.
Mais pour en revenir enfin tout à vos
fiançailles,
Je ne mets point mon bien à traiter cent canailles
Il suffit de ma fille, et de vous.
M. GROGNARD
C’est bien fait.
M. VILAIN
Nous ne serons que trois.
M. GROGNARD
J’en suis trop satisfait.
M. VILAIN
Angélique aime fort la musique et la danse.
Mais sans sortir d’ici , et sans nulle dépense,
On la satisfera.
M. GROGNARD
Vous voyez, si nos fous
Se concertent entre eux, que ce n’est que pour nous.
Vous les venez de voir mettre tout en pratique ;
Eux- mêmes fsont
les pas, les vers , et la musique.
M.VILAIN
On voit quelques ballets
à présent ; mais je crois
Qu’ on n’ en verra jamais de si beaux qu’autrefois.
M. GROGNARD
De notre
temps c’était une chose divine, :
Ces ballets de Mondor dans la place Dauphine.
M. VILAIN
Ah , vous en souvient –il ?
Ces gens- là dansaient bien ;
Ils avaient tout le monde, et ils ne prenaient rien.
M. GROGNARD
HaAh, c’était le bon temps !,I
il n’est point de théâtre ;
Qui n’ait quelque agrément, et que l’on n’idolâtre ;
Le monde est aujourd’hui pour ces spectacles-là ;
Et vieux comme je suis, je cours voir tout cela.
Mais avec leur musique et leurs métamorphoses,
Les ballets de Mondor étaient tout autre chose.
M. VILAIN
Oh vraiment oui.
M. GROGNARD
Nos fous en dansent d’assez bons.
M.VILAIN
Tant mieux ma fille et moi nous nous divertirons.
Elle vous aime bien.
MM.
GROGNARD
Cela n’est pas croyable,
Nous allons tous deux faire un ménage admirable :
Et comme dès demain, je serai son mari,
Je crois que j’en serai bien autrement chéri.
Sur le bruit que j’ allais à Poissy
voir mon frère,
La pauvre enfant était dedans une colère
Que chacun ne pouvait trop admirer ici.
M. VILAIN
Son amour est venu tout d’un coup , Dieu merci.
M. GROGNARD
Je la veux régaler ici de bonne sorte.
Mais sans moi , je ne veux nullement qu’elle en sorte.
M. VILAIN
Vraiment elle n’a garde. Allez, ne craignez rien.
Je vais gagner mon lit, je ne me sens pas bien.
Scène IV
JOCRISSE, ANGELIQUE, JACINTEJACINTHE, M.
GROGNARD
M. GROGNARD à Jocrisse
Portez la paille aux fFous.
Demeure ici, JacinteJacinthe
Je vous donnais tantôt quelque sujet de plainte,
Disiez-vous.
ANGELIQUE
Oui, sans doute ; et si je vous en crois,
Vos fous ne seront pas plus resserrez enfermés que
moi.
M. GROGNARD
Ils sont libres, Mignonne ett sont
très agréables,
Ne t’imagines pas
voir des fFous
haïssables.
Je connais ton humeur. On dirait
sans mentir,
Qu’ils ne sont tous ici que pour te divertir.
Leur Musique et leur Danse auront de quoi te plaire,
Je sais tonn goût
et sait tout ce qu’ils savent faire.
Pour des fFous renfermés
dedans cet Hôpital,
Ils dansent assez bien et ne chantent pas mal.
ANGELIQUE
Puisque ces Insensés insensés se
piquent de mMusique,
Je n’aurai pas sujet d’être mélancolique.
Je ne le serai pas même absente de vous ;
Je m’accommode assez de ces sortes de fFous :
Et si j’en rencontre
un dans ce lLieu
qui me plaise,
Je m’en divertirai.
MM.
GROGNARD
Bon, j’en serai fort aise.
Mais qu’il soit enfermé, c ‘est ce que je prétends.
JACINTEJACINTHE
Pourquoi les enfermer, s’ils ne sont pas méchants ?
M. GROGNARD
Mais un fFou
qui ne sait lui-même ce qu’il forge,
Par caprice pourrait lui sauter à la gorge.
Si cela t’arrivait, j’en aurait
bien dedans :serais mécontent ;
Diable, il faut éviter ces sortes d’accidents.
Comme mon frère est mal, qu’il faut que je m’apprête
A partir pour Poissy, j’aurais martel en tête.
ANGELIQUE
Avec votre départ vous me désespérez .
Si près de nous unir serions nous séparés ?
M. GROGNARD
Ce n’est que pour un jour.
ANGELIQUE
Et c’est ce qui m’étonne.
M. GROGNARD
Mais je ne pourrais pas m’en dispenser, Mignonne ;
Tu pleures.Tu pleures.
ANGELIQUE
Si jamais je ne vous avais vu,
Que je serais heureuse !
M. GROGNARD
Hé bien, aurais-tu cru
Ce grand amour pour moi ?
JACINTEJACINTHE
Non, je vous en assure.
M. GROGNARD
Je ne pars pas encore.
ANGELIQUE
Partez, je vous
en conjure,
Je prétends m’enfermer jusqu’à votre retour,
Sans voir fFolles
ni fFous.
M. GROGNARD
Tu m’aimes trop, Mamour.
Viens avec moi les voir. Je te ferai connaître
Tous nos mMusiciens,
du moins ceux qui croient l’être ;
Tout en fourmille ici. Même ils sont si pressés,
Qu’on n’y peut plus loger les autres iInsensés.
Tout est plein de ces fFous
et des mMaîtres
de dDanse.
Ils viennent de tous lieuxde partout, se
débarquerde tous les lieux de en
Frannce.
Un mMachiniste
même, un grand oOriginal,
Depuis un an ou deux est dans mon hHôpital :
C’est un ingénieur. Ill a
tout son bagage
Dans notre Basse-Cour. :
Et dans cet équipage
Tout s’y voit, c’est un Monde, il n’est rien de pareil.
C’est le Ciel, c’est la Mer, la Lune et le Soleil,
Des habits de Ballets dorés et sans dorures :
Cent sortes d’Animaux aussi grands que Nature.
Des Monstres, des Géants, des Chevaux, des Dragons,
Des Léopards, des Ours, des Singes, des Lions
Des Chars, un Arc-en-Ciel, des Foudres, des Nuages,
Des Contrepoids, des Fils, des Cartons, des Cordages,
Enfin tout ce qu’on peut jamais s’imaginer,
Ce fou de mMachiniste
a tout fait amener,
Il va en faire ici cent choses différentes ;
Et même il en promet de fort divertissantes.
Je souffre avec plaisir tout son Cahot chaos céans.
JACINTEJACINTHE
Tous ces fFous
en feront mille déguisements.
L’ordre en sera confus, il est indubitable ;
Mais la confusion en peut-être agréable...
M. GROGNARD
Cela ne sera pas si beau que l’oOpéra ;
Mais si l’on ne l’admire, on s’y divertira.
ANGELIQUE
Nous disons bien ici d’inutiles paroles.
M. GROGNARD va à sa montre
Attends, nous irons voir nos fFous
et nos fFolles :
Voici justement l’heure où je les fais servir.
Il regarde sa montre
Partons.
ANGELIQUE
Va-t-elle bien votre Montre ?
M. GROGNARD
A ravir .
Je l’ais depuis un an. Elle est d’or, et
sonnante.
ANGELIQUE
Elle vous coûte bien vingt louis ?
M. GROGNARD
Dites trente.
ANGELIQUE
Vraiment, elle est fort belle.
M. GROGNARD
Et bonne.
ANGELIQUE
Je le crois.
M. GROGNARD
Je la mets là ; jamais je n’en porte sur moi.
ANGELIQUE
Mais avez vous toujours vos fFolles
anciennes,
Vos poètes criards et vos mMusiciennes ?
M. GROGNARD
Oui.
JACINTEJACINTHE
La pauvre Porcie est-elle encore céans ?
M. GROGNARD
Oui, qui ne veut manger que des charbons ardents,
Nous avons Cléopâtre et la chaste Lucrèce ;
Et toutes ces trois-là sont d’une même espèce.
JACINTEJACINTHE
Et que sont devenus ces Amoureux transis ?
M. GROGNARD
Il en reste encore deux, je crois de cinq ou six,
Qui fsont
sur leur amour des Vers qui les enchantent,
Et des Aiairs langoureux, qu’à tous moments ils
chantent.
JACINTHE
ANGELIQUE
Que n’attendait-on pas de ces Divertissements
Exécutés
et faits par tant d’habiles Gens ?
JACINTE
Je suis sûre pour moi qu’on y criera miracle.
M. GROGNARD
Ne vous en moquez pas, on est pour le Spectacle :
Les Voix, les Instruments, les Ballets ont cours là ;
Et ce qui ne vaut rien passe avec tout cela.
JACINTEJACINTHE
Mais quand tout ne vaut rien, que l’Auditeur
le
public déteste,
Lui rend-on son argent ?
M. GROGNARD
On n’est pas si sot, peste.
Quand il a vu la pPièce,
on ne lui rend jamais.
L’Oon le
partage après qu’on a payé les frais.
JACINTEJACINTHE
L’Auteur et les Acteurs en ont bien de la honte ,
ANGELIQUE
Oui, mais les Auditeurs spectateurs ?
M. GROGNARD
Ils en ont pour
leur compnte.
ANGELIQUE
Voyez auparavant ce que feront vos fFous :
Si cela réussit, vous verrez entre vous,
Le donnant au public si vous pouvez prétendre,
De gagner son argent, et non pas de le prendre.
JACINTEJACINTHE
Cela ne peut manquer d’être divertissant.
M. GROGNARD
Allons donc, nous verrons ce qu’ils font en passant,
Et nous en jugerons . Donne le bras, Mignonne,
Je m’en vais revenir, qu’il n’entre ici personne.
JacinteJacinthe, ne viens-tu
pas promener avec nous ?
JACINTEJACINTHE
Non, s’il vous plaît, Monsieur, je vois assez de Fous.
Scène V
JACINTEJACINTHE,
LEANDRE
LEANDRE
Perfide.
JACINTEJACINTHE
Quelle entrée !
LEANDRE
Ha Ah !
JACINTEJACINTHE
Que voulez-vous dire ?
LEANDRE
HéEh, que dirais-je après ce qu’on vient de
m’écrire ?
Ha Ah !
JACINTEJACINTHE
Contenez-vous donc.
LEANDRE
Non, non, dans mon transport,
Je ne me contiens plus, l’iIngrate
veut ma mort :
Mais avant
qu’expirer, je lui veuxt
faire entendre.
JACINTEJACINTHE
Mais où pensez-vous être ? Etes-vous fou Léandre ?
LEANDRE
Hé bien ne suis-je pas aux Petites-Maisons,
JacinteJacinthe, je
suis Fou.
JACINTEJACINTHE
Mais toutes ces raisons
Et ces emportements ne servent qu’à vous nuire ;
Si vous n’êtes instruit, laissez-vous donc instruire.
LEANDRE
On l’accorde la marie ce
soir. HaAh, que me diras-tu ?
Que l’iIngrate
me hait, qu’elle a de la vertu.
JACINTEJACINTHE
Non, elle n’en a point. Vous plaît-il de vous taire ?
LEANDRE
La pPerfide
y consent.
JACINTEJACINTHE
Elle le devait faire.
Vous voyez son amour dans tout ce qu’elle écrit.
LEANDRE
Je n’y voist que
ma mort.
JACINTEJACINTHE
Vous perdez donc l‘esprit.
LEANDRE
Dans deux lignes, j’ai vu le pPoison et la pPeste.
JACINTEJACINTHE
Laissez-moi donc parler, ou bien lisez le reste.
LEANDRE
La pPerfide
me veut faire devenir fFou.
JACINTEJACINTHE
Oui, c’est pour votre bien.
LEANDRE
Je te romprai le cou.
JACINTEJACINTHE
AhHa,
tout doux s’il vous plaît. Vous êtes bien terrible !e.
Oui, c’est de son amour une preuve infaillible,
Que de vous proposer d’être fFou,
pour pouvoir
Etre reçu céans, lui parler et la voir.
Il lit bas.s
Malgré son vieux jaloux, qu’elle hait, qu’elle abhorre.,
Lisez-la moi tout haut, s’il vous plaît.
LEANDRE
Je l’adore.
Excuse mon transport, JacinteJacinthe, j’avais cru,
N’ayant lu que deux mots, que j’en avais trop lu.
Il lit haut
« Avec
étonnement vous apprendrez Léandre
Qu’on m’accordeQu'on me marie ce soir, je ne peux m’en défendre.
Un Mon père
le souhaite, et sourd à mes raisons,
M’a
renferméeé aux Petites-Maisons,
Dont où mon futur époux époux x tient a la Conciergerie.
Par
cette vérité que je vous fais savoir,
Je
juge de votre furie ;
Vous, jugez
de mon désespoir,
Faites-vous
apporter comme vVisionnaire ;
Passez
d’abord ici pour le plus grand des s fFous
Et
nous verrons ce
que pour nous
L’Amour est capable de faire. »
Mais dans si peu de temps, que fera-t-il l’amour ?
Cette Infidèle attend qu’elle n’ait plus qu’un jour :
On la force, dit-elle ; elle y consent l’iIngrate :
Mais il faut qu’à ses yeux mon désespoir éclate,
Sans respecter son Père et son vieux fou d’aAmant !
JACINTEJACINTHE
Vous la payez fort bien de son amour, vraiment !.
LEANDRE
HaAh, JacinteJacinthe,
accablé d’une telle disgrâce,
Dans l’espace d’un jour, que veux-tu que je fasse ?
JACINTEJACINTHE
Faites-vous amener passer pour un fFou
mMusicien.
Tâchez à mal chanter.
LEANDRE
J’y réussirais
bien.
Cet hHôpital
a-t-il des fFous
en abondance ?
JACINTEJACINTHE
Tant qu’on en fait bâtir encore un que je pense.
Le Faubourg Saint-Germain qu’en tout nous admirons,
Se va rendre fertile en Petites-Maisons.
Quoi qu’il soit des plus grands, et l’un des plus honnêtes,
C’est l’habitation de cent sortes de bêtes.
Six mille hommes de guerre y coucheront ce soir
Par éEtape,
et peut-être en pourrons-nous avoir.
LEANDRE
Si l’on exempte un lieu, ce doit être le vôtre.
JACINTEJACINTHE
Mais il pourrait ce soir en avoir comme un autre.
LEANDRE
Où sont donc ces aAmants ?
JACINTEJACINTHE
Hé Eh ! Ffuyez,
les voici !.
SCENE VI
M. GROGNARD, ANGELIQUE, JOCRISSE, M. GROGNARD.
Que dis-tu des apprêts que nos fous font ici ?
Tu vois qu’exprès pour nous chacun d'eux se prépare.
ANGELIQUE.
Nous allons je crois voir quelque chose de rare. Ils ont beau prendre peine et se concerter tous, ils ne peuvent jamais danser qu’un pas de fous.
M. GROGNARD.
Attendant qu’ils soient prêts, dînons dans la cuisine. Je suis gelé : le froid m’a saisi la poitrine.
JACINTEJACINTHE.
Prèsêt
d’être marié, l’agréable discours !
Monsieur, le mariage abrégera vos jours.
M. GROGNARD se retournant.
Que faites-vous donc là ? Pourquoi cette posture ?
Elle est surprise, haussant les épaules.
ANGELIQUE.
C’est qu’on m’a dans le dos fait tomber quelque ordure.
SCENE VII
M. GROGNARD, ANGELIQUE, JACINTEJACINTHE,
JOCRISSE.
JOCRISSE.
On vient pour voir
les fous, Monsieur.
M. GROGNARD.
HéEh, montre-toi.
JOCRISSE.
Je me suis montré
mais on vous demande.
M. GROGNARD.
Moi ?
JOCRISSE.
C’est vous qui voulons voir.
M. GROGNARD.
Laisse-les à la porte
Eet
demeure en ce lieu, jusqu’à ce que je sorte.
SCENE VIII
M. GROGNARD, ANGELIQUE, JACINTEJACINTHE, LE
MAITRE CLERC, JOCRISSE.
M. GROGNARD.
Mais je me charge ici.
Il tire des papiers de sa poche.
ANGELIQUE.
Qu’est-ce donc cela ?
M. GROGNARD.
Le nom des fous. Que veut ce petit drôle-là ?
LE M. CLERC.
Je suis le maître clerc de votre notaire.
M. GROGNARD.
Monsieur, excusez-moi.
LE M. CLERC.
Voilà votre
inventaire
C
copié de ma main.
M. GROGNARD.
Vous m’obligez, monsieur.
Vous écrivez très bien et …
LE M. CLERC.
Votre serviteur.
M. GROGNARD.
Mon homme a votre argent, si vous vouliez l’attendre ?
LE M. CLERC.
Non, j’enverrai demain un petit clerc le prendre.
Ill s
s’en va.
JACINTEJACINTHE.
Ma
foi, je doute fort, demain comme aujourd'hui aujourd’hui, Qqu’il
puisse en envoyer un plus petit que lui.
Le plaisant maître clerc !
ANGELIQUE.
Sa taille me fait rire.
M. GROGNARD.
Il n’est pas question d’être grand pour écrire. Dînons.
JOCRISSE.
Il n’est pas tard.
M. GROGNARD.
Taisez-vous étourdi.
ANGELIQUE.
Voyez à votre montre.
M. GROGNARD regardant sa montre.
Il est plus de midi. Demeure là. Que nul n’y entre ni ne sorte.
JOCRISSE.
Non. Je n’ouvrirais pas, qu’on ne buque toque à la
porte.
M. GROGNARD.
Quand on y buqueratoquera,
n’ouvre pas, innocent.
JOCRISSE.
Bien, pas un n’entrera, quand ils y viendraient cent.
Par
la gueule du sac la charogne est entrée : Ppalfanguenne
ealle en tient,
la chienne est éventrée.
Il décharge quelques
coups de bâtons dessus et redouble les coups.
A Elle n’est pargué
toujours pas morte. Il y fallait cela.
Après avoir encore prêté l’oreille.
Qu’ale Qu’elle ronge
à présent !.
SCENE IX
M. GROGNARD sa serviette à la main, JOCRISSE.
M. GROGNARD.
Quel bruit fais-tu donc là ?
JOCRISSE.
Oh, parguenne al elle en
tient, monsieur.
M. GROGNARD.
Que veux-tu dire ?
JOCRISSE.
C’est qu’al qu’elle en
tient, ouvrez et vous allez bien rire, ;
Ssi
vous ne la trouvez en quatre ou cinq quartiers.
M. GROGNARD.
Quoi donc ?
JOCRISSE.
Une souris qui rongeait vos papiers.
M. GROGNARD.
Une souris ! Ooù
donc ?
JOCRISSE.
J’entendais la
charogne,
Ccric, crac, cric, crac, cric, crac. Al Elle avançait
besogne.
M. GROGNARD voulant rentrer.
Elle est morte ?
JOCRISSE.
Oh, vraiment… Hé, monsieur, s’il vous
plait
Oouvrez
le sac, voyez en quel état qu'elle est.
M. GROGNARD.
Le sac ! Aah je
crains bien…
JOCRISSE.
Allez, sur ma
parole,
Nne
craignez rien, all’ elle est plus plate qu’une sole. Six coups de
mon bâtons…
M. GROGNARD mettant la
main dans le sac et la retirant.
Hélas ! je suis perdu !
JOCRISSE.
HaAh, oui-da : pour si peu qu’elle vous a
mordu ?
Al
Elle
en a dans les dents.
M. GROGNARD.
M’en voilà pour
ma montre.
Ah,
que m’as-tu fait là, diable de malencontre !.
SCENE XSCENE X
ANGELIQUE, JACINTEJACINTHE, M.
GROGNARD, JOCRISSE.
ANGELIQUE.
Que vous m’avez fait peur ! Aà
quoi bon tous ces cris ?
M. GROGNARD.
C’est pour ma montre.
JOCRISSE.
Il ment, c’est pour une souris.
M. GROGNARD.
Ce malheureux a mis ma montre de
la sorte;
Eet
croit que tout cela n’est qu’une souris morte.
JOCRISSE.
Mais notre serrurier la
raccommodera.
Donnez-la moi, monsieur, on la rapportera.
M. GROGNARD.
Un serrurier ! Je veux que dès demain tu sortes.
JOCRISSE.
Il a raccommodé des choses bien plus fortes.
JACINTEJACINTHE.
Mon Dieu !
ANGELIQUE.
Pourquoi toujours
mettre toujours
votre sac là ?
M. GROGNARD.
Qui diantre se serait défié de cela ?
ANGELIQUE.
Nos fous vont arriver. Voyons sans
plus attendre, Qquelques
échantillons de ce qu’on peut prétendre.
Nous dînerons après.
JACINTEJACINTHE.
J’entends les violons.
ANGELIQUE.
Ils s’en vont commencer ; allons nous seoirasseyons-nous.
M. GROGNARD.
Allons.
PREMIER INTERMEDE.
Deux musiciens amoureux
avancent pendant un petit prélude, pour chanter ce qui suit.
ENSEMBLE.
Hélas, hélas, hélas, nous nous
plaignons tous deux,
Sserions-nous
amoureux ?
1 - MUSICIEN
Toutes les fois que Georgette
Passant près de ma logette ;
Me montre son œil riant,
Son bec et son nez friantfriand
Aussitôt mon cœur vers elle
Vole et va comme un brouillon,
Lui baiser tour à tour l’une et l’autre prunelle.
Ah, pauvre petit papillon,
Tu te brûles à la chandelle.
2 – MUSICIEN.
L’autre jour au travers de ma grille,
Une nymphe mignarde et gentille
Me fit voir ses beaux yeux :
Mais depuis cet instant malheureux,
Je rôtist,
je brûle et je grille.
Ah, petit crocodile,
Qui jamais aurait crû leurs
tes
traitse
si dangereux ?.
ENSEMBLE.
Hélas, hélas, hélas, nous nous plaignons tous deux,
Sserions-nous
amoureux ?
M. GROGNARD.
L’on appelle cela du fin, fin. Hem Hein, ma? JacinteJacinthe ?.
JACINTEJACINTHE.
Ha, haAh, ah, l’on
ne peut pas mieux pousser une plainte.
LES DEUX MUSICIENS.
Que ces jeunes cœurs
Après leur disgrâce
Goûtent de douceurs !
2 – MUSICIEN
Quoi que ma nymphe soit de glace....
1 – MUSICIEN
Quoi que la mienne ait des rigueurs....
ENSEMBLE.
En attendant de pareilles faveurs,
Allons sur notre paillasse,
Verser un torrent de pleurs.
M. GROGNARD.
On ne peut pas porter la musique plus haut ; pour gagner de l’argent, voilà ce qu’il nous faut.
On danse en cet endroit
et la danse finie et chacun retiré,é.
M. GROGNARD dit.
Allons, allons dîner. Si tout va de la sorte,
Oon
peut prendre fort bien de l’argent à la porte.
Fin de premier acte
.
ACTE II
SCENE I
ANGELIQUE, JACINTEJACINTHE.
JACINTEJACINTHE.
Madame, c’en est fait, votre amant est en cage ; Jje
vois bien qu’il jouera des du mieux son personnage,
Iil a
fort diverti votre bourru d’amant,
Qqui
ne le connaît point encore heureusement. Quatre de ses amis l’ont conduit
dans sa chaise Jjusque
dans l’hôpital. Il chante, il est bien aise.
Il
sait que vous devez être deux jours ici,
Ssans
votre vieux amant..
ANGELIQUE.
Tais-toi donc, le voici.
Scène II
M. GROGNARD, ANGELIQUE, LEANDRE, JACINTHE
M. GROGNARD
Avec bien du plaisir, Mamour, je viens t'apprendre
Qu'il nous arrive un fou fort plaisant.
JACINTHE bas
C'est Léandre.
M. GROGNARD
Mais fort bien fait, bien mis, il est de qualité.
ANGELLIQUE
Quelle est sont faible doncdonc sa faiblesse
?
M.GROGNARD
L'opéra l'a gâté.
Il en chante les airs à gorge déployée,
C'est à quoi tout le jour sa voix est employée.
Il ne les chante pas désagréablement.
Il te divertira, mon cœur, assurément,
Et j'en serai ravi. On le nomme Léandre.
ANGELIQUE
Je sais ces airs, j'aurai du plaisir à l'entendre.
M. GROGNARD
Et même vous pourriez vous concerter tous deux ;
Pour rire.
JACINTHE
Tous ces airs sont des airs amoureux
Qu'il faut bien exprimer, et ce fou-là peut-être...
M. GROGNARD
Et c'est ce qui sera plus plaisant. Je veux y être.
Car pour bien exprimer toutes ces passions,
Il doit faire en chantant mille contorsions.
JACINTHE à Angélique
Il fera l'amoureux, vous ferez l'amoureuse.
M.GROGNARD
C'est cela. La rencontre est tout à fait heureuse.
Jacinthe, n'est-elle pas plaisante ?
JACINTHE
Oui, ma foi,
Et l'on ne la peut
pas plus plaisante, je crois.
UN POETE FOU derrière le théâtre
J'ai pris de tes avis sur une autre matière,
D'accord, mais l'élégie est de moi tout entière.
ANGELIQUE
Qu'est-ce donc ? J'entends là des gens qui sont fâchés.
M.GROGNARD
Les deux poètes fous viennent d'être lâchés.
ANGELIQUE
Et quels poètes donc ? En ai-je connaissance ?
M.GROGNARD
Oui, vous les avez vus dans leurs loges, je pense,
Qui disputent toujours et commençant leur bruit
Dès la pointe du jour, le finissent la nuit,
Qui charbonnent leurs murs, s'imaginant écrire,
Et faire de beaux vers.
ANGELIQUE
Qui voulez-vous donc dire ?
M.GROGNARD
Vous ne remettez pas ces poètes fameux,
Qui pour de certains vers se querellent tous deux ?
Eux qui mirent au jour cette belle élégie
Dont chacun admira la force et l'énergie ?
ANGELIQUE
J'entends.
M.GROGNARD
Ils avaient lors le jugement fort bon.
L'un dit qu'elle est de lui, l'autre assure que non,
J'en ai fait deux cent vers, rien n'est plus véritable,
Dit l'un. L'autre répond, vous
mentez comme un diable,
Elle est toute de moi, j'en suis le seul auteur.
Vous vous l'attribuez, vous êtes un voleur,
Comme on ne comprend rien à toutes leurs raisons,
On les a mis d'avance aux Petites-Maisons.
ANGELIQUE
Rien ne me divertit de ce qu'ils purent dire.
M.GROGNARD
Ce fou de l'opéra te fera bien plus rire.
JACINTHE
Vraiment oui. Les voici.
Scène III
M. GROGNARD, ANGELIQUE, JACINTHE, LES POETES
POETE 1
Non, non, rayez ce point,
Le mérite que j'ai ne se partage point.
Comme vous n'en n'avez aucun qui vous soutienne,
Vous voulez rendre ici ma gloire mitoyenne,
Et voulez, vos lauriers commençant à vieillir,
Vous couronnez de ceux que je viens de cueillir.
POETE 2
Toi qui sais qui je suis, comment as-tu l'audace
De me parler ainsi, reptile du Parnasse,
Pauvre petit lézard, que mon nom étourdit,
Qui ne sait ce qu'il fait, ni ne sait ce qu'il dit ?
Moi, je me soutiendrais par ton méchant ouvrage !
Ma gloire est comme un chêne au milieu milieu de
l'orage,
Et la tienne opposée à mes moindres travaux,
N'est que jonc que Borée a couché dans les eaux.
POETE 1
Moi qui du haut du Mont t'aperçois dans la vase,
Qui vient de voltiger sur le cheval Pégase,
Moi qui parle si bien le langage des dieux
Oses-tu bien tenir ce discours à mes yeux ?
Mais je veux travailler un jour pour le théâtre ;
C'est là que malgré toi je veux qu'on m'idolâtre,I !
C'est lui qui distribue aux auteurs les beaux prix,
Ils s'y font admirer, ils s'y sont enrichis,
Ils ne doivent qu'à lui leur gloire et leur fortune.
POETE 2
Proprement le théâtre est comme une commune,
Où l'âne et le cheval, la vache et la jument,
Viennent en liberté paître confusément.
Là on voit le baudet près du cheval superbe
Et les chardons manger comme l'est la bonne herbe,
Le théâtre souvent fait cacher un défaut,
Et l'habile s'y voit au dessous du lourdaud,
Qui croit, prenant souvent la fausse pour la vraie,
Que le baudet hennit et que le cheval braie.
POETE 1
Ton âne, ton cheval, ta vache, ta jument,
Ici, bien moins que toi, manquent de jugement,
Va, va-t'en avec eux paître dans ta commune,
Ton galimatias, comme toi, m'importune.
Va, rentre dans ta loge, ou je te rosserai.
POETE 2 se jetant à sa gorge
Toi, tu me rosseras ? Ah, je t'étranglerai.
M.GROGNARD
Holà quelqu'un ici, qu'on vienne en diligence.
JACINTHE
Mais arrêtez-vous donc ! Vous êtes fou, je pense.
Scène IV
M. GROGNARD, ANGELIQUE, JACINTHE, JOCRISSE, TROP-D'ESPRIT
M; GROGNARD
Jocrisse, Trop-d'Esprit, séparez-les tous deux.
Qu'on ne les sorte plus ces poètes hargneux.
ANGELIQUE
Tous deux ne se sont fait qu'égratigner et mordre.
M. GROGNARD
Ils ne seront jamais lâchés que sur mon ordre.
J'entends encore un fou qui va bien criailler.
UN FOU DE BASSETTE derrière le théâtre
Je taillerai Messieurs, je veux tailler.
ANGELIQUE
Je connais sa folie, en voilà l'étiquette ;
Il parle de tailler, c'est ce fou de bassette.
M. GROGNARD
Après avoir perdu son argent, son crédit,
Il fit un Alpiou de son reste d'esprit,
Il fut facé.
ANGELIQUE.
L’esprit ? Il l’avait admirable. N’en a-t-il
plus du tout, le pauvre misérable ?
M. GROGNARD.
Non, il n’en a voulu réserver sans merci, que ce
qu’il en fallait pour venir droit ici.
ANGELIQUE.
Dans son emportement il me fait peur, je
meurs ; renvoyez-le.
M. GROGNARD.
On le va renfermer tout à l’heure.
SCENE V
M. GROGNARD, ANGELIQUE, JACINTE,
LE FOU DE BASSETE.
LE FOU
Ces coups sont inconnus chez les plus malheureux.
S’opiniâtrer vingt fois sur un bourreau de deux ! Je le quitte à la fin,
et je me mets sur un quatre ; lors le deux vient à gain. Ne faut-il pas se
battre ? S’arracher les cheveux ; et se mordre les doigts ?
Perdre dix alpious ! être facé neuf fois !
ANGELIQUE.
Renvoyez-le, il fait peine.
M. GROGNARD.
Allons, que l’on déloge.
LE FOU
La paix, les sonicats…
M. GROGNARD.
Remmenez-le en sa loge.
SCENE VI
M. GROGNARD, ANGELIQUE, JOCRISSE, TROP-D’ESPRIT
M. GROGNARD.
Jocrisse, Trop-d’Esprit. Hé d’où viens-tu
maraut ?
Trop-d’Esprit remmene le loueur.
JOCRISSE.
J’étais allé lâcher l’éguillette là-haut.
SCENE VVII
M. GROGNARD, ANGELIQUE, JOCRISSE, TROP-D’ESPRIT, SANS-CERVELLE.
M. GROGNARD.
Qu’as-tu donc Sans-Cervelle ?
SANS-CERVELLE.
Ha Ah !
M. GROGNARD.
Sa douleur est forte.
SANS-CERVELLE.
Non, on ne peut pas vivre en mangeant de la sorte.
Barbe,
pour mon dîner, m’avaoitir
gardé trois œufs, Jocrisse et Trop-d’Esprit viennent d’en manger deux.
Je meurs de faim chez vous et je n’y peux plus être.
M. GROGNARD.
OhHo, tu
n’es jamais saoul.
SANS-CERVELLE.
Comment pourrait-on l ‘être ?
M. GROGNARD.
Je croist qu’à
son dîner, il mangerait un bœuf.
SANS-CERVELLEE.
Le moyen donc de vivre, en ne mangeant qu’un œuf ?
M. GROGNARD.
Entend-on comme toi plaindre tes camarades ?
SANS-CERVELLE.
Ils volent la moitié du dîner des malades,
Cc’est
ce qui les nourrit, et les deux tiers du mien.et les deux tiers
du mien.
M. GROGNARD.
Ils ne se plaignent pas.
SANS-CERVELLE.
Vraiment, je le crois bien.
ANGELIQUE.
Voyons donc Cléopâtre, et Porcie et Lucrèce.
M. GROGNARD.
Ces trois folles- là
sont souvent dans la tristesse. L’on vous les va montrer. Chacune fait effort,
Lla
reine Cléopâtre a maintenant pour Louvre
Lles
Petites-Maisons.
ANGELIQUE.
Voyons-les donc.
M. GROGNARD.
Qu’on ouvre.
On ouvre la ferme, et
les fous et les folles parlent tous à la fois trois fois de suite.
Scène VIIX
M. GROGNARD, ANGELIQUE, LEANDRE, JACINTHE, TROP-D'ESPRIT
LEANDRE chante
Que l'absence de ce
qu'on aime
Et un supplice
rigoureux,
Pour les cœurs amoureux
!
Tout autre mal cède à
ce mal extrême
Et ce lieu même
N'a rien de plus
affreux
Que l'absence de ce
qu'on aime
ANGELIQUE
Fort bien, c'est un des airs du dernier opéra.
M. GROGNARD
Qu'en dis-tu ?
ANGELLIQUE
Je vois bien qu'il me divertira.
M.GROGNARD
Oh ! J'en étais bien sûr.
ANGELIQUE
J'en étais bien plus sûre.
M. GROGNARD
Te plaît-il ?
ANGELIQUE
Tout à fait mais voyez la figure.
LEANDRE chante.
Cruelles inquiétudes,
Soupirs languissants,
Si j'ai souffert vos
tourments les plus rudes,
Je n'ai pas trop payé
les douceurs que je sens.
JACINTHE
Voyez son action, ses yeux, comme il soupire.
M.GROGNARD
Ne vois-tu pas aussi que j'en crève de rire ?
Chante, chante avec lui.
ANGELIQUE
Cela ne vaudra rien.
Mais si vous le voulez, Monsieur, je le veux bien.
Elle
chante.
L'amour , nous unira par ses plus douces chaînes,
Depuis
deux ans il unit nos désirs.
A
vos soupirs cent
fois j'ai mêlé mes soupirs,
Et
si j'ai partagé vos peines,
Je dois partager vos plaisirs.
LEANDRE
Qu'un
si doux aveu doit me plaire !
Qu'il
rend mon dessein glorieux !
ANGELIQUE
Quand
ma bouche pourrait se taire,
L'amour
ferait parler mes yeux.
M.GROGNARD
Mon cœur, ta voix le charme, il ne se sent pas d'aise,
Tu ne prononces pas un mot qui ne lui plaise.
LEANDRE & ANGELIQUE
Que
tout parle à l'envi de notre amour
extrême,
A
ses transports abandonnons nos cœurs,
Et
pour goûter toujours de nouvelles
douceurs,
Disons-nous
cent fois "je vous aime".
M.GROGNARD en riant,
Comme elle fait l'amante et comme il fait l'amant !
JACINTHE
Elle s'en divertit fort agréablement.
Enfin voilà son fou, Monsieur, cherchez le vôtre.
M.GROGNARD
Dirait-on pas qu'ils sont amoureux l'un de l'autre…
Léandre prend la main
d'Angélique.
ANGELIQUE
Dans sa folie, il a beaucoup d'honnêteté.
M.GROGNARD
Moi je trouve qu'il prend beaucoup de liberté,
Iil
faut le surveiller, il a l'humeur gaillarde :
Ne le vois plus sans moi.
JACINTHE
Vraiment elle n'a garde.
M.GROGNARD
Lui seul est plus hardi que tous les autres fous.
ANGELIQUE
Je ne veux point aussi le revoir qu'avec vous.
M.GROGNARD à Trop-d'Esprit
Que ce beau chanteur-là demeure dans son gîte,
Allons, qu'on le renferme dans sa loge, au plus vite.
Il prend déjà ta main.
ANGELIQUE
Il l'a prise en effet.
Mais c'est un insensé qui ne sait ce qu'il fait.
M. GROGNARD
Rentrons, je m'entretiens ici de bagatelles,
Quand j'attends en tremblant de funestes nouvelles..
Scène VIIX
M. GROGNARD, M. VILAIN
M. VILAIN
Votre frère se meurt, je viens de lea
savoir.
M. GROGNARD, comme pâmé
Hélas ! J'allais partir exprès pour l'aller voir.
M. VILAIN
Cette nouvelle-là ne vous doit point surprendre,
Et vieux comme il était, on devait s'y attendre.
Pourquoi vous affliger ? Pourquoi vous en saisir ?
Et pourquoi s'en laisser mourir de déplaisir ?
M. GROGNARD en pleurs.
Hélas ! Monsieur Vilain, que j'aimais mon cher frère !
M. VILAIN
Vraiment je le crois bien ; mais à la mort, que faire ?
Il n'est pas encore mort, mais il ne vaut pas mieux.
S'il vous laisse son bien, allez partez joyeux.
M. GROGNARD fort haut
Hé ! Son bien ne m'est rien ! Qu'il vive le pauvre homme !
S'il me fallait aller nu pieds jusques à Rome
Pour lui sauver la vie, on m'y verrait courir.
M. VILAIN
Votre cheval vient-il ?
M. GROGNARD
On l'est allé quérir.
Mais votre fille ici pleure et se désespère,
Cela me touche encor sensiblement.
M. VILAIN
Qu'y faire ?
C'est qu'elle a de la peine à vous laisser partir.
M. GROGNARD
Oui, sans doute. Elle vient pourtant d'y consentir.
M. VILAIN
La pauvre enfant ne peut supporter votre absence.
M. GROGNARD
Non, huit jours sans me voir, elle mourrait, je pense.
J'ai donné l'ordre aux fous, quand j'irai à Poissssy,
Qu'ils ne fissent pas moins que si j'étais ici.
Je veux qu'en mon absence elle se réjouisse,
Et que de leur folie, elle se divertisse.
Et vous pourrez aussi fort aisément la voir.
M. VILAIN
Si votre frère est mort, venez demain au soir.
M. GROGNARD
Que la mort me le laisse ou que la mort me l'ôte,
Vous me verrez ici demain au soir sans faute.
M. VILAIN
Si comme vous croyez, il vous donne son bien,
Ayez les yeux partout et qu'on n'écarte rien.
Et dès après-demain, au lever de l'aurore,
Il faut vous marier.
M. GROGNARD
Oui, plus matin encore.
M. VILAIN
Puis après s'en aller comme des gens heureux,
Prendre possession de ce bien-là tous deux.
Je trouve qu'il fait froid dans cette grande salle.
M. GROGNARD
Oui, Jocrisse est longtemps à brider ma cavale.
SCENE VIIIXI
M. GROGNARD, M. VILAIN, SANS-CERVELLE
, SANS-CERVELLE
Jocrisse et Trop-d'Esprit…
M. GROGNARD
Ah, l'importun butor,
Il se plaint toujours d'eux. Que t'ont-ils fait encore ?
SANS-CERVELLE
Je ne vous veux, monsieur, dire que deux paroles ;
Jocrisse et Trop-d'Esprit veulent fesser les folles.
Ils se sont enfermés dans la chambre tous deux ;
Ne dois-je pas, Mmonsieur,
les fesser avec eux ?
M. GROGNARD
Quoi, contre ma défense ils auraient ces pensées ?
SANS-CERVELLE
Lucrèce et Cléopâtre allaient être troussées ;
J'avais accommodé les verges que voici ;
Ne dois-je pas entrer, et les fesser aussi ?
M. GROGNARD
Tu mens, tu n'a pas vu les folles de la sorte.
SANS-CERVELLE
J'ai pourtant regardé par le trou de la porte ;
Mais il était bouché, je n'ai pas pu rien voir.
M. GROGNARD
Menteur, goulu, tantôt quand tu m'as fait savoir
Qu'ils mangeaient ton dîner, tu me mentais en diable.
SANS-CERVELLE
Ah, pour les œufs, monsieur, rien n'est plus véritable.
M. VILAIN
Il se fait déjà tard, allez vous apprêter.
M. GROGNARD
Retire-toi, menteur, va, je vais me botter.
SCENE XII
JOCRISSE, une bride à la main.
Monsieur. Il n'entend pas. Jarniguenne Pacole,
Comment diable est-ce donc que cela se bricole ?
Que sert ce fer ? Pourquoi ces brimborions-là ?
Palsanguenne un licou vaut mieux que tout cela.
SCENE XIIIIX
JACINTEJACINTHE,
JOCRISSE, une
bride à la main
JACINTEJACINTHE
Monsieur est-il parti ?
JOCRISSE
Non, il est dans la salle.
Morguenne, savez-vous point brider une cavale ?.
JACINTEJACINTHE
Ouvre- lui
bien la bouche et mets le mors dedans.
JOCRISSE
C'est qu'elle lève le nez et qu'elle serre les dents.
Je suis, pour la brider, monté dans la mangeoire,
Elle m'a levé sa tête et cassé la mâchoire.
Je l'ai pourtant
bridée ; il ne lui manquait rien,
Si ce n'est que le fer était dessous sa gorge.
Je l'ai pourtant bridée, et qu'il
ne manquait rien,
Alors que le fer était
sous la gorge.
JACINTEJACINTHE
Fort bien.
Va vite la brider, de n'aie crainte
de la touche.
Madame vient.
JOCRISSE
Comment lui faire ouvrir la bouche ?.
SCENE XIV
ANGELIQUE, JACINTEJACINTHE
ANGELIQUE
Léandre est-il instruit ?
JACINTEJACINTHE
Oui, j'ai su l'avertir,
Que votre vieil amant s'apprête pour partir.
Dans ce même moment un homme est à l'affût,
Dès qu'il le pourra voir à cheval dans la rue :
Il ouvre aux insensés, et vous les verrez tous
Dansant et gambadant, rire comme des fous.
Mais Léandre est charmant des pieds jusqu'à la tête :
Il est vêtu pour faire une grande conquête.
Enfin la nuit est longue, et vous hasardez bien
Dans ce brillant habit…
ANGELIQUE
Eh, l'habit n'y fait rien.
JACINTEJACINTHE
Voici pour votre honneur une pierre de touche ;
Votre père pour lors endormi sur sa couche,
Et votre amant parti pour quelques jours,
La vertu toute seule est avec vos amours,
Qui comme vous savez, est débile et chancèlechancelle :
Les amours sont petits, mais ils sont plus forts qu'elle.
ANGELIQUE
JacinteJacinthe,
quand on sait qu'un amant aime bien,
En tous lieux avec lui on ne doit craindre rien.
JACINTEJACINTHE
Enfin va-t-il partir ce grogneux ?
ANGELIQUE
Oui, JacinteJacinthe.
Il se botte.
JACINTEJACINTHE
Avez-vous commencé votre plainte ?
ANGELIQUE
Oh, j'ai su profiter de ton instruction ;
Jamais femme n'a feint une plus grande affection,
Au départ d'un mari n'a montré plus de rage,
Et n'a si bien que moi joué mon personnage.
Il croit que son départ me met au désespoir,
Lors que je fais des vœux pour ne le jamais voir.
Enfin on ne peut pas mieux faire la grimace.
JACINTEJACINTHE
Voilà ce qu'un jaloux mérite qu'on lui fasse.
Mais recommencez bien tout ce feint désespoir
Dans vos derniers adieux, madame.
ANGELIQUE
Oh, tu vas voir.
JACINTEJACINTHE
Ces feints déplaisirs font, étant crus véritables,
Dans un jaloux absent des effets admirables.
Le voici tout botté.
SCENE XIV
M. GROGNARD, ANGELIQUE, JACINTEJACINTHE
ANGELIQUE, avec un cri.
Quoi, vous allez partir ?
M. GROGNARD
Il le faut bien, Mamamour,
tu viens d'y consentir.
ANGELIQUE
Non, absente de vous je ne pourrais pas vivre :
Ou souffrez que je meure, ou laissez-moi vous suivre.
M. GROGNARD
Mais mon cœur, que veux-tu ?
ANGELIQUE
Je veux toujours vous voir.
M. GROGNARD
Mais tu sais…
ANGELIQUE
Vous voulez me mettre au désespoir.
M. GROGNARD
Ce n'est que pour deux jours.
ANGELIQUE
Deux jours ! Ce mot me tue.
Je pourrais m'absenter deux jours de votre vue !
Deux jours !
M. GROGNARD
Je ne sais pas d'où vient cet amour là,
Car je n'ai rien en moi qui t'oblige à cela.
ANGELIQUE
Tout est charmant en vous, et tout a su me plaire ;
Vous le savez fort bien.
M. GROGNARD
Non-faitAllons, ma
foi, ma chère,.
Laisse donc pour deux jours partir tous mes appâts.
ANGELIQUE
Non, non, si je ne pars, ils ne partiront pas ;
Je m'attacherai là. Elle se jette à son cou.
M. GROGNARD
Mais, Mmamour,
comment faire ?
Tu sais bien qu'il s'agit d'une importante affaire.
JACINTEJACINTHE,
faisant la pleureuse.
Vous nous désespérez.
M. GROGNARD
Cela me fait damner.
ANGELIQUE
Quoi, si près d'être unis, vouloir m'abandonner !
M. GROGNARD
Quand je t'en ai parlé, tu semblais t'y résoudre.
ANGELIQUE
Eh, ce moment venu, m'est pire qu'un coup de foudre :
Oui, j'ai résolu hier de vous laisser partir,
Mais aujourd'hui mon cœur n'y saurait consentir.
M. GROGNARD
Tu pourrais demain voir nos fous avec JacinteJacinthe.
Ils te divertiraient. Tu peux même sans crainte
En lâcher quelques-uns, hors le fou d'opéra,
Je ne veux plus qu'il sorte.
JACINTEJACINTHE
Eh, l'on s'en passera.
M. GROGNARD
Oui, j'appréhenderais s'il était hors de cage,
Qu'il n'en dît beaucoup moins, et n'en fît davantage.
ANGELIQUE
Tous les hommes me sont des objets odieux ;
Vous seul êtes ici le charme de mes yeux.
M. GROGNARD
Pour moi je ne sais pas où j'ai pris tant de charmes,
Je ne puis m'empêcher de répandre des larmes.
ANGELIQUE
Quoi, vous pleurez, mon cher ! Aah,
cessez…
M. GROGNARD
Je ne puis ;
Jamais amant ne fut plus aimé que je suis.
Vois-tu sa passion ?
JACINTEJACINTHE
Elle est trop violente.
S'il revient dans deux jours, serez-vous pas contente ?
ANGELIQUE
Non, puisque son départ causera mon trépas.
M. GROGNARD
Eh bien mon petit cœur, je ne partirai pas ;
Tu serais triste, et moi je serai à la gêne.
JACINTEJACINTHE
Vos affaires iront d'une belle dégaine :
Vous ne feriez pas pire s'il était votre époux ;
Votre ménage ira tout sens dessus -dessous.
Un mari ne pourra jamais faire un voyage,
Sans qu'une femme soit à ses trousses, j'enrage.
Quelle honte !
ANGELIQUE
Partez .
JACINTEJACINTHE
Je la consolerai.
ANGELIQUE
Quand viendrez-vous ?
M. GROGNARD
Demain, où je ne le pourrai.
ANGELIQUE
Puisque je me résous à souffrir votre absence,
Loin de vous supplier de faire diligence,
Pour ne me plus jouer de si sensibles tours,
Au lieu de deux, de trois, prenez huit et dix jours.
M. GROGNARD
Je ne me puis résoudre à souffrir ton absence ;
Je ne partirai point.
JACINTEJACINTHE
Mais vous rêvez, je pense ?
ANGELIQUE
Non, non, partez, monsieur.
M. GROGNARD, à JacinteJacinthe.
Je le veux, prends-en soin ;
Je m'en vais donc, Mmamour.
ANGELIQUE
Fussiez-vous déjà loin,
Je pourrai vous revoir plus tôt que je n'espère.
JACINTEJACINTHE
Laissez donc aller, madame.
M. GROGNARD
Adieu, ma chère.
ANGELIQUE
Il est déjà bien tard.
M. GROGNARD
Je gagnerai Poissy.
ANGELIQUE
Mais la nuit vous prendra dans une heure d'ici.
JACINTEJACINTHE
Mais la nuit à présent n'est pas noire, elle est blonde,
Puisque le clair de lune est le plus beau du monde.
ANGELIQUE, le prenantl'embrassant
encore.
Faut-il laisser aller ce que j'aime le mieux ,
JACINTEJACINTHE, en
les séparant.
Ma foi vous finirez, malgré tous vos adieux ;
Partez. S'il fallait donc qu'il fît de grands voyages…
M. GROGNARD
Prends garde à tout JacinteJacinthe, et
que nos fous soient sages.
ANGELIQUE
Adieu, toute ma joie.
M. GROGNARD
Adieu, tout mon désir.
Il s'en va.
JACINTEJACINTHE
Il croit que vous allez mourir de déplaisir.
ANGELIQUE
Ah, je respire. Eh bien, sais-je me contrefaire ?
JACINTEJACINTHE
Mais vous avez pensé failli gâter toute l'affaire :
Votre feint déplaisir l'a mis si fort à bout,
Qu'il a ma foi pensé ne point partir du tout.
ANGELIQUE
La feinte était fort bien, mais un peu trop poussée,
Pour l'obliger d'agir selon notre pensée.
Que fait Léandre ?
JACINTEJACINTHE
Il songe à votre enlèvement.
ANGELIQUE
Mais, JacinteJacinthe,
est-il sûr de mon consentement ?
JACINTEJACINTHE
Il s'en flatte.
ANGELIQUE
Iil se
trompe.
JACINTEJACINTHE
Hé quel obstacle encore
L’empêcherait….
ANGELIQUE
Demain au lever de l’Aurore
J’en veux prier mon pPère ; et s’il n’y consent pas,
Léandre pourra lors m’enlever de ses bras :
Il m’a promis sa main, je lui donne la mienne.
JACINTEJACINTHE
Et si le grognard vient ?
ANGELIQUE
Je ne crois pas qu’il vienne
De ce soir.
JACINTEJACINTHE
Mais demain, s’il vient pour nous épier ?pour
nos pêchés ?
ANGELIQUE
Dès la pointe du jour nous serons dénichezenvolés.
C’est ce que j’ai conclu, va le dire à Léandre ;
Et qu’il n’espère pas, ce soir, rien entreprendre.
Qu’il y résiste ou non, fais qu’il se rende ici ;
Je reviens sur mes pas et je m’y rends aussi.
On entend des violons.
JACINTEJACINTHE
L’ai-je dit ? Lle
jJaloux
à peine est hors la pPorte
Les fFous
vont s’en donner et de la bonne sorte.
Scène XIIVI
ANGELIQUE, JACINTEJACINTHE, LES
FOUS, TROIS MUSICIENS
I . MUSICIEN
L’Amour étend les conquêtes,
Et brise ici les
verrous :
Il n’est pas jusques
aux fous
Qui ne célèbrent les
fêtes
De l’absence d’un
jaloux
Un Amant fidèle et
tendre
Belle Iris, languit
pour vous ;
Si ses feux vous
semblent doux,
Profitez sans plus
attendre
De l’absence d’un jaloux.
I . MUSICIEN
Ah, ah, ah,
ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah..., ah
LES DEUX
MUSICIENS
Ah, ah, ah,
ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah..., ah
I . MUSICIEN
Que la sotte canaille
Tempête et criaille
Jure, peste et braille
Au diable d’aujourd’hui
qui les en
tirera.
Ah, ah, ah, ah, ah, ah,
ah, ah, ah, ah, ah, ah...,
ah
TOUS DEUX
Ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah...,
ah
I . MUSICIEN
Allons faire ripaille
Comme rats en paille,
J’ai plus d’une maille,
Et je n’estime rien ce
qui m’en coûtera
Ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah,
ah, ah, ah, ah, ah..., ah
TOUS DEUX
Ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah...h,
ah
I . MUSICIEN
Vendons
cette fFerraille
Pour
faire gogaille ;
Pour
peu qu’elle vaille,
Je
crois qu’à bien briffer elle nous fournira.
Ah,
ah, ah, ah, ah,
ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah..., ah
TOUS DEUX
Ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah, ah...,
ah
L’on danse et les fous
rentrent tous en riant. :
FIN DU SECOND ACT
E
ACTE III
ScEène I
M. VILAIN, ANGELIQUE, JACINTEJACINTHE
M. VILAIN
Tu l’as laissé partir à la fin ?
ANGELIQUE
Oui, mon pPère
M. VILAIN
Jamais hHomme
je crois n’a tant aimé son fFrère.
Il m’a dit en partant : « J’hérite d’un grand bien,
Mais tout cela ne peut me consoler en rien :
La perte de mon frère est pour moi sans seconde remède ;
J’aime encore mieux l’avoir que tous les biens du
monde. »les Archimèdes.
Et si son frère meurt, loin de le voir heureux,
Je suis sûr qu’il faudra les enterrer tous deux.La perte de mon
frère est pour moi si terrible,
Que rien ne peut calmer un mal aussi horrible.
Scène II
M. VILAIN, M. GROGNARD, ANGELIQUE, JACINTEJACINTHE.
M. VILAIN
Quoi, c’est vous ? Aah, je
vois dessus votre visage,
La mort de ce cher frère, et ce retour…
M. GROGNARD
J’enrage,
Il est mort , et de plus, je crois qu’il est damné ;
Il a fait testament, et ne m’a rien donné.
M. VILAIN
Quoi, rien du tout ?
M. GROGNARD
Non, rien. Que le Diable le crève,
Je m’en consolerai, s’il était mort en gGrève.
Le traître ! Aah,
qu’il avait l’âme d’un sScélérat !
A trente ans ce cCoquin
était gueux comme un rRat :
Il faut bien qu’il ait fait de la fausse monnaie,
Car il est mort fort riche. Ah que j’aurais de joie,
Si la justice allait demain, même aujourd’hui
S’emparer de son corps, et tout sceller chez lui !
M. VILAIN
Vous l’aimiez, disiez-vous, avec tant de tendresse ?
M. GROGNARD
Qui se fûut
défié d’une âme si traîtresse !
Le notaire qui même a fait son tTestament,
Et qui n’est arrivé que depuis un moment,
Venait exprès chez moi m’instruire de l’affaire.
« Eh,Hé
Monsieur », lui dit-il,
« songez à votre fFrère » :
Ce coquin répondit. « Eh,Hé mon
fFrère
a du bien.
Monsieur j’ai d’autres gens à qui donner le mien » ;
Mais j’y retourne. Il faut que pour me satisfaire
Je fasse tout saisir.
M. VILAIN
Oui, vous devez le faire.
Prenez tous les eEffets,
en soit ceadvienne que’il
pourra ;
S’il faut plaider, plaidons.
ANGELIQUE
EhHé
bien, l’on plaidera.
Ne perdez point de temps, je me vois résolue
De me priver plutôt huit jours de votre vue :
Le bBien
est précieux, partez donc pour l’avoir,
Et faites que bientôt je puisse vous revoir.
Partez, et point d’adieu.
M. GROGNARD
La pauvre Enfant ! J’avoue
Qu’un si parfait amour mérite qu’on le loue ;
On n’en verra jamais un comme celui-là.
Elle s’en va pleurer.
JACINTEJACINTHE
A quoi sert tout cela ?
M. GROGNARD
Adieu, mon cœur.
ANGELIQUE
Hélas voulez-vous que j’expire ?
JACINTEJACINTHE
Vraiment vous avez tort.
M. VILAIN
Sortons sans rien lui dire.
JACINTEJACINTHE
Ce vieux fou nous fera perdre le jugement.
ANGELIQUE
J’ai pensé, le voyant, mourir subitement ;
S’il ne fut reparti, j’aurais perdu courage.
JACINTEJACINTHE
L’on a jamais si bien joué son personnage.
ANGELIQUE
Enfin il est absent pour le coup, respirons,
Et jouissons un peu du bien que nous avons.
JACINTEJACINTHE
Vraiment vous voilà seule et n’avez plus de crainte.
Vous allez voir Léandre et le voir sans contrainte.
Scène III
ANGELIQUE, JACINTEJACINTHE, UN
SOLDAT
On frappe
JACINTEJACINTHE
Qu’est-ce ?
LE SOLDAT
M. Grognard ?
JACINTEJACINTHE
EhHé
bien ?
LE SOLDAT
Est-il ici ?
JACINTEJACINTHE
Non, il est en cCampagne.
LE SOLDAT
Un ordre que voici
L’oblige à me loger cette nuit par éEtape.
JACINTEJACINTHE
A moins qu’on courre
après, et qu’on ne le rattrape,
On ne vous peut loger.
LE SOLDAT
Il le faut pourtant bien.
JACINTEJACINTHE
Etant seules ici….
LE SOLDAT
L’on ne doit craindre rien.
JACINTEJACINTHE
Je le crois mais Madame est une jeune fFemme,
Ou va l’être du moins.
LE SOLDAT
Que fait cela, Madame ?
ANGELIQUE
Comment , que fait cela ? Quoi, vous souffrir chez moi ?
Seule ?
LE SOLDAT
Que voulez-vous, c’est un ordre du Roi.
Puis il est tard, la nuit sera bientôt passée.
JACINTEJACINTHE
L’honnêteté, Monsieur, n’en est pas moins blessée.
ANGELIQUE
Puis-je, mon Accordéfiancé,
Monsieur, étant aux cChamps,.
Souffrir avec honneur le moindre hHomme
céans ?
LE SOLDAT
Mais comment voulez-vous, Madame, que je fasse ?
Ce que vous me devez, je le demande en grâce ;
Et tout autre soldat viendrait brutalement,
Ce bBillet
à la main, prendre son lLogement ;
Mais j’en use toujours avec respect, Madame.
JACINTEJACINTHE
Rien n’est si chatouilleux que l’honneur d’une fFemme :
Vous le savez , Monsieur, nous avons ce malheur,
Le moindre hHomme
suffit pour ternir notre honneur :
Et son ombre à présent nous serait un scandale.
ANGELIQUE
Je n’ai qu’une cCuisine,
une cChambre
et ma sSalle,
On ne vous peut coucher que dans un Galetaslà-haut sous le
toit.
LE SOLDAT
Partout où vous voudrez, il ne m’importe pas.
Mais mon sSouper,
Madame ?
JACINTEJACINTHE
Il n’y faut
point de nNappe !
Nous n’avons ni pain, ni vin.
LE SOLDAT
La peste, quelle éEtape !
La ville est bonne.
JACINTEJACINTHE
Mais il est tard.
LE SOLDAT
J’ai grand faim.
JACINTEJACINTHE
Barbe vous trouvera quelque morceau de pain.
Sans le mMari
toujours la fFemme
se chagrine ;
Et pour lors il n’est rien plus froid que la cuisine.
LE SOLDAT
N’avez-vous point ici d’Eeaau
de vVie
ou de vVin ?
JACINTEJACINTHE
OhHo
non, passez-vous en jusqu’à demain matin.
LE SOLDAT
Jamais jJeûne
ne fut plus loin de ma pensée
Que celui-là l’était.
JACINTEJACINTHE
La nuit est avancée.
Barbe, donnez la lampe, et conduisez Monsieur
Au gGaletas.
BARBE lui donnant la lampe
Montez !
LE SOLDAT
TêtiguéAprès vous,
serviteur.
BARBE à JacinteJacinthe
Un drap...
JACINTEJACINTHE
Faites servir celui de la couchette.
BARBE
Bon, ce drap- là
n’est pas plus grand qu’une serviette ;
Même l’écorcheveau ce long duvet me
semble trop petit ;
Ses genoux passeront, je crois, le pied du lit,
C’est un homme puissant.
JACINTEJACINTHE
Qu’on y porte le vôtre.
BARBE
Le mien, c’est encore pis, il est plus court que l’autre ;
S’il s’avales'allonge, les
pieds toucheront jusqu’en bas.
J’en suis certaine.
JACINTEJACINTHE
HéEh,
bien, qu’il ne s’avale s'allonge pas :
Qu’il couche en son fourreau
dans
son sac s’il
l’a pour agréable.
ANGELIQUE
Je crainsJ'ai peur.
Vit-on jamais de contretemps semblable ?
JACINTEJACINTHE
Il ne faut craindre rien, car un soldat français,
Madame, est aujourd’hui sage comme un bourgeois ;
Le temps passé n’est plus. La justice est si bonne,
Que l’on n’ose à présent faire insulte à personne.
Scène IV
ANGELIQUE, JACINTEJACINTHE, BARBE
BARBE
Il est demi son
long sur mon écorche-veaude tout son long
couché dans son duvet,
Les deux jambes à en bas, couché
dans son fourreau,ma foi bien allongées,
Quoiqu’il n’ait que du pain ce soir qui le conforte,
Il soupe dix fois mieux qu’il n’est couché.
JACINTEJACINTHE
Qu’importe.
Scène V
ANGELIQUE, JACINTEJACINTHE, LE
ROTISSEUR
On frappe. Le soldat
voit par un trou tout ce qui se passe.
ANGELIQUE
Vois qui heurte.
LE
ROTISSEUR
Bonsoir.
JACINTEJACINTHE
Qu’est-ce encore que ceci ?
LE
ROTISSEUR
C’est du vin et du rôti que j’apporte ici.
JACINTEJACINTHE
Vous apportez du vin, et du rôti ! Pourquoi faire ?
LE ROTISSEUR
Pardi, Madame; c’est pour faire bonne chair.
JACINTEJACINTHE
Et qui vous a chargé de l’apporter chez nous ?.
LE
ROTISSEUR
C’est, je crois, le valet d’un des
MMessieurs
lLes
fFous.
JACINTEJACINTHE
Ne vous l’ai-je pas dit ? Portez dans la cuisine.
Découvre un peu, voyons.
LE
ROTISSEUR
Voilà, a-t-il bonne mine ?
JACINTEJACINTHE
Bonne ou mauvaise, va, on te la paiera bien.
LE
ROTISSEUR
HéEh, j’en ai été
payé, je n’en demande rien.
JACINTEJACINTHE
Léandre va venir, Madame.
ANGELIQUE
Oui, Jacinthe.
Mais l’amour, la vertu, le devoir et la crainte,
Combattent ; chacun d’eux veut disposer de moi.
Ah, Jacinthe, l’amour l’emportera je crois.
JACINTEJACINTHE
OhHo,
l’amour est toujours un rusé petit traître,
Pour peu qu’on le féconde, il est toujours le maître.
Madame, il le sfera,
je n’en ai point douté, ;
Joint puisque
Léandre et vous êtes de son côté.
Scène VI
ANGELIQUE, JACINTEJACINTHE,
BARBE, LE ROTISSEUR
LE ROTISSEUR
J’ai laissé mon bassin à votre cuisinière.
JACINTEJACINTHE
Hé Eh bien, va.
LE ROTISSEUR
Vous avez deux oiseaux de rivière,
Un levraut, deux faisans, trois perdrix ...
JACINTEJACINTHE
C’est assez.
LE ROTISSEUR
Tout cela coûte bien plus que vous ne pensez.
JACINTEJACINTHE
Tant mieux !
LE ROTISSEUR
Le plat de rôti est aussi raisonnable...
ANGELIQUE
EhHé,
va ; nous le verrons quand nous serons à table ;
JACINTEJACINTHE
Barbe, tenez tout prêt, pour le servir ici.
Quand ce Monsieur viendra.
ANGELIQUE
JacinteJacinthe, le
voici.
Scène VII
JACINTEJACINTHE,
ANGELIQUE, LEANDRE.
LEANDRE
Madame, vous voyez ce que j’ose entreprendre,
Mais si vous ne m’aimez, que deviendra Léandre ?
ANGELIQUE
Je vous aime, mon coeur ne dément point ma voix ;
Je crois, depuis deux ans, vous l’avoir dit cent fois.
Je vous aime.
LEANDRE
EhHé,
Madame, est-ce assez de le dire,
Et d’en demeurer là pour croître mon martyr ?
Vos souhaits et les miens seront-ils superflus ?
Montrez que vous m’aimez, et ne le dites plus.
ANGELIQUE
C’est dessus notre hymen que mon amour se fonde.
JACINTEJACINTHE
Voici l’occasion la plus belle du monde,
Votre jaloux amant est parti pour deux jours,
L’agréable saison pour les tendres amours !
Madame, mettra-t-on le couvert dans la salle ?
ANGELIQUE
Où donc ? Vous prétendez me faire un grand régal ?
LEANDRE
Non, Madame, ce n’est qu’un fort petit cadeau,
Et l’on ne peut ici vous le donner plus beau.
Cependant, je suis sûr que pour vous satisfaire,
Nos fous vont étaler tout ce qu’ils savent faire ;
Mais, Madame, souffrez que je me mette
avec eux
Le plus fidèle amant et le plus amoureux ;
Quoique je n’aie pas la voix la plus touchante,
Ce que j’ai composé, souffrez que je le chante.
Mais certain mMenuet
que vous chantez toujours,
Et qui semble être fait exprès pour nos amours,
Serait ici charmant dans votre belle bouche.
ANGELIQUE
Je chante fort mal ; mais il suffit qu’il vous touche.
LEANDRE
Puis d’un coup de sifflet, pendant notre repas,
Je fais sortir un fou qui ne déplaira pas :
Il doit chanter ici quelque chanson à boire
Qui nous divertira si nous l’en voulons croire.
Votre père, dit-on, est avec le mien,
Et je ne sais si c’est ou pour mal ou pour bien.
ANGELIQUE
Si ces pères qui font notre commun martyr,
Pouvaient être inspirés du Dieu qui nous inspire !
Car enfin nous touchons à ce fatal moment
Où l’un perd sa maîtresse, et l’autre son amant.
LEANDRE
Non, nous serons unis, ce Dieu nous favorise ;
Et c’est l’heureuse fin qu’aura notre entreprise :
Puisque vous consentez dès la pointe du jour
De me donner la main pour prix de mon amour.
Mais voici tous nos fous, qu’on prête avec silence
L’oreille à nos récits, et les yeux à leur danse.
JACINTEJACINTHE
Monsieur Vilain voudrait me parler ici près.
ANGELIQUE
Vas-y donc, et surtout, songe à mes intérêts.
Scène VIII
LEANDRE, ANGELIQUE, TOUS LES DANSEURS
LEANDRE
Mon père est fort alerte, et l’affaire le touche.
ANGELIQUE
Je croyais bien le mien en repos dans sa couche.
L’on danse en cet
endroit.
RECIT
Ce n’est qu’entre deux
amants
Que les concerts sont
charmants
Lors que la crainte est
bannie,
Leurs amoureuses
langueurs
Forment une symphonie
D’un, je me pâme, je me
meurs ;
Et la plus douce
harmonie
Est l’union de deux
cœurs.
Laissons dire les
jaloux,
Charmante Iris
aimons-nous,
Sans craindre leur
tyrannie ;
Nos amoureuses
langueurs
Feront une symphonie
D’un, je me pâme, je me
meurs ;
Et la plus douce
harmonie
Est l’union de deux
cœurs.
On danse.
MENUET
Quand la flamme
Est dans une âme ;
Quand la flamme consume
un cœur,
Et qu’un père
Trop sévère
N’en veut point modérer
la chaleur ;
Que la prière
N’y peut rien faire,
C’est à l’amour d’en
éteindre l’ardeur.
Ils
dansent, et rentrent.
ANGELIQUE
Ils se sont surpassés, on ne peut pas mieux faire.
LEANDRE
Que ne ferait-on pas, Madame, pour vous plaire ?
Scène IX
LEANDRE, ANGELIQUE, JACINTEJACINTHE.
ANGELIQUE
Quelle nouvelle donc ?
JACINTEJACINTHE
Grande pour vos amours .
ANGELIQUE
C’est que Monsieur Grognard ne viendra de huit jours,
HéEh, n’est-ce pas cela ?
JACINTEJACINTHE
Non, c’est quelque autre affaire
Que je viens de savoir .
ANGELIQUE
Que sais-tu donc ?
JACINTEJACINTHE
Me taire.
LEANDRE
Laissons cela. Goûtons ces précieux moments,
Ces préludes certains de nos contentements.
ANGELIQUE
Ah, que pour vous je sens de trouble dans mon âme !
LEANDRE
Ah, Madame, serait-ce en faveur de ma flamme ?
ANGELIQUE
Et ma bouche, et mes yeux ne vous l’ont que trop dit.
JACINTEJACINTHE
Mais votre amour s’échauffe, et le souper refroidit :
Si longtemps sans manger ! Est-ce être raisonnable ?
Ne voulez-vous donc pas, Monsieur, vous mettre à table ?
Dites lui qu’il s’y mette, il veut être prié.
Plus de soupirs, demain vous serez mariés.
ANGELIQUE
La porte de devant est-elle bien fermée ?
JACINTEJACINTHE
Oui, Madame, elle l’est.
ANGELIQUE
Je viens d’être alarmée ;
LEANDRE
De qui donc ?
ANGELIQUE
D’un soldat que nous avons là-haut ;
LEANDRE
Par étape ?
ANGELIQUE
Oui.
LEANDRE
Dort-il ?
JACINTEJACINTHE
Il ronfle comme il faut.
LEANDRE
Comme notre ballet a fait bruit, j’appréhende
Qu’il n’aitît
rompu son somme et qu’il ne nous entende.
JACINTEJACINTHE
Bon, des gens harassés de marcher tout un jour,
Dorment et dormiraient même au son du tambour.
LEANDRE
Oui, quand ils soupent bien, ils dorment à merveille,
Eet
on leur tirerait le canon dans l’oreille
Qu’ils dormiraient encore. Qu’a-t-il soupé ?
ANGELIQUE
Lui ? Rien.
LEANDRE
Tant pis, l’estomac vide, on ne dort pas si bien.
On frappe à la porte
JACINTEJACINTHE
Qui diantre,
heurte ainsi ?
ANGELIQUE
Monsieur, telle est ma crainte ?
JACINTEJACINTHE
Pourvu que cse ne
soit pas Monsieur.
LEANDRE
Va voir, JacinteJacinthe.
ANGELIQUE
Ah, si c’est lui, Léandre, où vous sauverez- vous ?
LEANDRE
Je ne sais, car par là, tout est fermé sur nous.
Pacole
entre là.
JACINTEJACINTHE
C’est lui-même.
ANGELIQUE
C‘est lui. Que lui ferai-je croire ?
JACINTEJACINTHE
Mais il monte.
ANGELIQUE
Portez dans cette grande armoire
La table comme elle est.
BARBE
Elle est grande assez !
ANGELIQUE
Oui, vous dis-je, elle l’est plus que vous ne pensez.
Cachez-vous dans ce coin, Monsieur.
LEANDRE
Quoi qu’il arrive…
ANGELIQUE
Dépêchez donc, je suis bien plus morte que vive.
LEANDRE
Madame, vous n’avez à craindre nullement.
Scène X
M.GROGNARD, ANGELIQUE, JACINTHE
M.GROGNARD
Je te surprends, Mamour, fort agréablement.
Tu ne m’attendais pas.
ANGELIQUE
Non, j’en suis si surprise,
Que de ce soir, Monsieur, je n’en serai remise.
M.GROGNARD
D’oùu
vient donc ?
JACINTEJACINTHE
Entendant que l’on heurtait si fort,
Nous croyons toutes deux qu’on vous rapportait mort.
M.GROGNARD
Mort !
ANGELIQUE
A l’heure qu’il est, que voulez-vous qu’on croie ?
M.GROGNARD
Qu’elle m’aime !
JACINTEJACINTHE
HoOh !
M.GROGNARD
Mamour.
ANGELIQUE
Ha
Ah
!
M.GROGNARD
Reprends donc ta joie,
Mon Cœur.
ANGELIQUE
Votre retour m’est un coup de poignard.
Pourquoi s’en revenir puisqu’il était si tard ?
Et pourquoi me donner une frayeur mortelle ?
M.GROGNARD
Mais je ne suis pas mort, tu le vois bien, ma Belle.
ANGELIQUE
Oui, mais mon trop d’amour,
entretient ma frayeur.
J’aime et je crains toujours.
M.GROGNARD
Mon pPauvre pPetit-cCœur !
On ne peut pas, je crois, voir dans aucun ménage,
La femme et le mari s’entr’ aimer
davantage.
JACINTEJACINTHE
Tout Paris le saurait.
ANGELIQUE
J’avais déjà l’effroi
D’un soldat qui céans, s’est logé malgré moi.
Souffrir un homme, moi seule, en votre absence,
Que dira-t-on de moi ?
M.GROGNARD
Qu’en dirait-on ?Je pense
Que nul n’y peut trouver à redire que moi.
C’est par étape, et puis c’est par ordre du Roi.
En te quittant, je fus prendre avis du notaire,
Qui n’a pas approuvé ce que je voulais faire.
Je n’ai point été là. Pour souper qu’avons-nous ?
ANGELIQUE
Ne vous attendant pas, qu’aurions- nous
fait sans vous ?
JACINTEJACINTHE
Nous n’avons employé ni broche, ni marmite,
Et chacune a, je crois, mangé sa pomme cuite.
ANGELIQUE
Si tristes toutes deux et dans un tel chagrin…
M.GROGNARD
Oh n’y soyez donc plus. Soupons, je meurs de faim.
ANGELIQUE
Faim tant qu’il vous plaira, je ne saurais qu’y faire,
A moins que, de pain, vous
puissiez vous satisfaire… du pain sec vous puisse satisfaire...
M.GROGNARD
Bon.
JACINTEJACINTHE
A l’heure qu’il est, on ne peut rien avoir.
M.GROGNARD
Tants,
pis.
Scène XI
M.GROGNARD, ANGELIQUE, JACINTEJACINTHE, LE
SOLDAT, BARBE, PACOLE
LE SOLDAT
Je viens, Monsieur, vous donnez le bonsoir,
C’est un petit devoir qu’on doit rendre à son hôte,
Que j’importune ici.
M.GROGNARD
Ce n’est pas votre faute.
LE SOLDAT
L’ombre d’un homme met Madame au désespoir.
M.GROGNARD
La pauvre enfant n’est pas accoutumée d’en voir,
Il faut lui pardonner.
LE SOLDAT
Oui, Madame est fort sage.
Le seul nom de sSoldat,
mon habit, mon visage…
M.GROGNARD
Tout cela lui fait peur.
LE SOLDAT
Je m’en suis aperçu,
Un cCadet
fort bien fait…eûut
été mieux reçu.
ANGELIQUE
Ah ne le croyez pas, Monsieur, qu’allez vous dire ?
M.GROGNARD
Hé Eh, que crains-tu ?
LE SOLDAT
Je n’ai nul dessein de vous nuire.
M.GROGNARD
Je le croise
fort, Monsieur.
LE SOLDAT
Pour souper, qu’avez-vous ?
M.GROGNARD
Rien du tout, donc j’enrage.
LE SOLDAT
Ecoutez, entre nous,
Je vais vous révéler une importante affaire,
Et dans un instant vous faire faire grande chèreair,
Mais ne me perdez passurtout suivez moi.
A vingt ans, j’eus le bien
De servir quatre mois pour un grand magicien.
Je sais tout ce qu’on peut savoir dans les magies ;
Informez-vous auprèsRenseignez-vous
de sur moi , sur nos auprès des
compagnie compagnies,
Vous saurez de quel bois se chauffe JoliCcoeur,
C’est mon nom, et celui de votre serviteur.
La magie en embrasse un nombrea mille visages,
et je m’en aide,
La Blanche, c’est la belle, et la Noire la laide :
La Rouge, la Citron, l’Ecarlate, et plusieurs,
Car enfin il en est de toutes les couleurs,
Toutes me servent bien, et certaines bougies.
Mais je ne prends ici, de toutes les magies,
Que la Verte, la Jaune et la couleur de Feu,
Avec ces trois- là,
vous allez voir beau jeu.
J’ai pouvoir sur le Diable, et si je lui commande
D’apporter promptement dans ce lieu, pain, vin, viande,
D’un seul mot, tout cela, va se trouver ici.
Dites quel met vous plaît .
ANGELIQUE
JacinteJacinthe,
qu’est ceci ?
LE SOLDAT
Ne vous alarmez point, je vous ferais
grand chairvous ferez grande chère.
M. GROGNARD
M.GROGNARD
De tous ces contes- là,
je ne m’alarme guère,
Si ce n’est que cela, je crois sans vous fâcher,
Que nous n’avons tous trois qu’à nous aller coucher,
Car nous ne verrons point ce souper-là paraître.
LE SOLDAT
La frayeur fait passer votre appétit peut-être,
Et de tout ce repas, vous ne mangeriezais
rien.
M.GROGNARD
Pourquoi ? S’il sera était bon,
j’en mangerais fort bien.
LE SOLDAT
Il sera merveilleux.
M.GROGNARD
Goûtons-le pour le croire.
LE SOLDAT
Démon, qu’en cet instant se trouve en cette armoire,
Deux oiseaux de rivière, un levraut, trois perdrix,
Et que ce repas soit le meilleur de Paris.
Qu’on ajoute à cela, deux faisans, je te prie.
Pacole apparaît à ce
moment.
M.GROGNARD
HéEh, Monsieur JoliCCoeur,
trêve de raillerie.
LE SOLDAT
Filles, apportez tout.
ANGELIQUE
Il me prend un frisson.
LE SOLDAT
Madame, ne craignez en aucune façon.
ANGELIQUE
Ah, Monsieur, c’est un Diable.
M.GROGNARD
Il n’en a nulle tache,
Et je suis sûr qu’il est sorcier comme une vache.
LE SOLDAT
Les verres et le vin, il faut tout apporter.
ANGELIQUE
C’est un magicien, il n’en faut plus douter.
M.GROGNARD
Oui, c’en est un, j’en vois une marque sensible.
LE SOLDAT
Voilà de quoi. Soupons.
ANGELIQUE
Cela m’est impossible.
M.GROGNARD
Et moi, je ne veux point d’un repas infernal.
LE SOLDAT
Qui n’en mangera pas, s’en trouvera fort mal.
M.GROGNARD
J’en vais manger.
ANGELIQUE
Moi aussi.
JACINTEJACINTHE
Je ferais de même.
LE SOLDAT
Bien, je vais vous servir.
BARBE
Ah, que Monsieur est blême !
ANGELIQUE, à Grognard et à JacinteJacinthe
Ah ! Monsieur est un Diable, il va nous perdre, hélas !
JACINTEJACINTHE
Monsieur est un bon Diable, il ne nous perdra pas.
LE SOLDAT
Non, non, souvent, il est des Diables favorables,
Qui dans certains périls, se trouvent secourables.
Il siffle.
Vous auriez bien sujet d’avoir le cœur contrit,
Mesdames, bien vous prend que j’ai un peu d’esprit.
SCENE XII
M.r GROGNARD, ANGELIQUE,
JACINTHE, LE SOLDAT, UN MUSICIEN qui chante ce couplet
CHANSON.
Bacchus eEt
l’Amour font débauche
Buvons à droite, buvons
à gauche,
Ils sont d’accord ici
tous deux,
Et la fête n’est que
pour eux.
Quel plaisir de les
voir à table !
Qu’avec un peu d’amour, Bacchus est
agréable !
Et que l’Amour est
divin
Quand il a pris un
petit doigt de vVin !
M. GROGNARD.
Je ne vois pas ici que nous fassions débauche.
Votre Démon voit trouble, ou du moins voit à gauche,
Ainsi je crois pouvoir dire avecque raison,
Que cette cChanson-là
n’est guère dse
saison.
LE MUSICIEN.
J’en vais chanter une autre.
CHANSON.
L’Amour vous récompense
De votre long chagrin,
Profitez de l’absence
Du vieux Faquin,
Du vieux Taquin,
Du vieux Bouquin,
Du vieux coquin,
Qu’il perde toute
espérance,
Le gros Pendart
Le sot Bavart,
Le grand Braillart,
Le vieux Penart,
Trompez tous deux
d’intelligence,
Le laid Hibou,
Le Lou-Garou,
Le vieux Hou-Hou,
Le franc Cou-Cou...,
Les fFemmes s’éclatent
de rire.
M. GROGNARD.
Hé
Eh
bien, c’est encor pis,.
Que voulez-vous donc dire avecque toust
vos ris ?
JACINTHE.
Mes ris Moi rire ? je
ne ris pasQue nenni, Monsieur, c’est que je pleure.
M. GROGNARD.
Elle pleure à présent, et riait tout à l’heure.
Quelle sera la fin de ce désordre-ci ?
Mais il est trop certain qu’un Démon est ici.
LE MUSICIEN
Pour troubler les amours…
ANGELIQUE s’écriant.
C’est pour troubler les nôtres.
M. GROGNARD.
Hé Eh vraiment oui, le Diable en fait-il jamais
d’autres ?
LE SOLDAT.
Ce n’est pas encore tout.
Au musicien.
Cela suffit, allez.
C’est qu’il faut voir celui qui nous a régalés.
ANGELIQUE.
Lui ! Si nous le voyons ; Monsieur, je suis perdue.
L’on sort de table. Barbe et Pacolte
emportent la tTable.
M. GROGNARD.
Ah de grâce, Monsieur, privez- nous
de sa vue.
JACINTHE.
Nous verrons, s’il le faut, l’Enfer de bout en bout ;
Mais ne nous montrez pas ce Diable -llà
surtout.
LE SOLDAT.
Mais comme il est céans, il faut bien qu’il en sorte,,
Ou par la cCheminée,
enfin, ou par la pPorte.
Pour la forme il l’aura telle que je voudrais,
Choisissez-là vous-même, ou je la choisirai
La voulez vous d’un bBœuf,
ou d’un hHomme
ou d’un dDiable ?
ANGELIQUE.
La figure de l’hHomme
est la plus agréable.
Que comme un tourbillon il sorte de ces lieux,
Je tournerai le dos, ou fermerai les yeux.
M. GROGNARD.
Moi, pour ne le point voir, je ferai l’un et l’autre.
LE SOLDAT. à Barbe
Tournez le dos, Jacinthe. Et vous, tournez le vôotre.
M. GROGNARD.
Moi, je ferme les yeux, et je tourne le dos,
Pour ne point voir d’objet qui trouble mon repos.
LE SOLDAT.
Démon, tu vas sortir. Qu’on ouvre chaque pPorte.
Comment souhaitez vous qu’il soit vêtu ?
M. GROGNARD.
Qu’importe ?
LE SOLDAT.
Prends un hHabit
galant, des pPlumes,
des rRubans,
Et quand je sifflerai, fort vite de céans,
Quitte ta laide face, et prends-en une belle,
Pour ne point faire peur à cette dDemoiselle :
Car tu peux être vu d’elle, et de son aAmant,
Et prends garde surtout d’en user autrement.
Vous le verrez un peu, tournez- vous
d’autre sorte.
M. GROGNARD.
Qui moi ? Si je le vois, que le Diable m’emporte.
LE SOLDAT
Prépare ta sortie, et ne t’arrête pas.
Il siffle.
LEANDRE.
Angélique, venez vous jeter dans mes bras.
Suivez-moi tous.
M. GROGNARD.
Ha,
haAh,
ah, quelle voix infernale !
Nul mMortel
ici- bas
n’a de voix qui l’égale.
Suivez-moi tous. Comment, je reste seul ici,
Angélique, Jacinthe, et le Soldat aussi,
Tout est au Diable. Et moi bien plus qu’eux misérable…
J’ai tort, je suis mieux qu’eux, puisqu’ils sont tous au Diable.
Angélique, un dDémon vous enlève aujourd’hui.
Ah n’aviez- vous
point fait quelque pacte avec lui !
Un dDiable
me l’emporte !
SCENE XIII
M.r
GROGNARD, JACINTHE.
JACINTHE.
Ils sont bien dix ou douze ;
Mais le Diable, Monsieur, qui l’emporte l’épouse.
Le Père de ce Diable a rencontré son fils,
Et sa mMaîtresse
et lui vont demain être unis.
Pour mieux solenniser cette heureuse alliance,
Vos fFousx
viennent ici gambader d’importance.
Ils marchent sur mes pas, Vous, comme intéressé,
Sachez ce qui se passe, et ce qui s’est passé.
Sans vouloir rien de vous, je viens pour vous l’apprendre,
Demain votre Angélique épousera Léandre,
Celui qui fit si bien le fFou de
l’Opéra,
C’est très assurément lui qui l’épousera.
M. GROGNARD.
Ah, quelle trahison ! quelle haine effroyable !
JACINTHE.
Oui, nous vous haïssons toutes deux comme un Diable.
Moi, je vous parle franc.
M. GROGNARD.
Vraiment, je le vois bien.
JACINTHE.
Nous parlions toutes deux de vous comme d’un chien.
Léandre l’adorait, il était aimé d’elle,
Quand vous l’avez surprise, il soupait avec elle ;
L’on cacha promptement le tout avec grand soin,
Angélique en tremblant, mit Léandre en un coin,
L’on,
était effrayé. Coup sur coup vous heurtâtes,
Chacun se composa, l’on ouvrit, vous entrâtes.
Le Drille au Galetas avait observé tout.
Enfin, sans vous conter le tout de bout en bout,
Léandre était le Diable, et c’est tout le mystère.
M. GROGNARD.
Ce Monsieur Joli cCoeur a bien conduit l’affaire.
JACINTHE.
A MiracleA merveille !.
Ma fFoi, c’est un
joli gGarçon,
Il l’a récompensé de la bonne façon.
M. GROGNARD.
Qu’en a-t-il fait ? Ccela
méritait un haut gradepaiement.
JACINTHE.
Il n’était que sSoldat,
il l’a fait empesade.lieutenant.
Léandre étant aimé de tout cet Hôpital,
Les fFousx
lui vont donner un fort plaisant rRégal :
Monsieur Vilain, par moi, vous prie à cette fête.
M. GROGNARD.
Ton obligeant récit m’a fait mal à la tête ;
Je ne les veux point voir, ce sont des fFourbes
tous.
Et toi, je te devrais faire donner cent coups,
Pour te récompenser de cette belle affaire.
JACINTHE.
D’accord, je n’ai jamais tâché qu’à vous déplaire.
Vos fFousx
vont exercer et leurs pPas et
leurs vVoix.
Les voici.
M. GROGNARD.
Ce sera pour la dernière fois,
Et je consens d’avoir mille coups d’esttivièrede tonnerre,,
Si de plus de huit jours ils voient la lumière.
Nous verrons s’il me faut avec ces sScélérats
Payer les vViolons
quand je ne danse pas.
Pacole, Sans-Cervelle, holàa,
Barbe, j’enrage ;
Tous mes valets aussi m’abandonnent, courage.
Jocrisse, Trop-d’Esprit, où diable sont-ils tous ?
SCENE XIV
M.r
GROGNARD,
BARBE, PACOLE
BARBE.
On les vient d’enfermer à la place des fFous.x.
Et j’allais l’être aussi, ;mais
ils m’ont fait promettre
Que je vous trouverais, afin de vous y mettre.
PBACOLE.
Ils couraient après moi pour m’enfermer aussi.
M. GROGNARD.
Ils ne me tiennent pas. Sauvons- nous,
les voici.
SCENE XV
LES DANSES, ou
OU
DERNIER BALLET
RECIT
Amants, vous faites
bien de quitter ce séjour,
Ce n’est pas celui de
l’Amour.
Suivez le Dieu qui vous
inspire,
Allez dans sa charmante
Cour.
C’est lui-même qui
vient vous dire,
Amants, vous faites
bien de quitter ce séjour,
Ce n’est pas celui de
l’Amour.
Tous deux parfaits
Amants et toujours amoureux,
Que vous serez
longtemps heureux !
Tous s’empresse à vous
satisfaire.
Les plaisirs devancent
vos vœux,
L’Amour ne songe qu’à
vous plaire.
Tous deux parfaits
Amants, et toujours amoureux,
Que vous serez
longtemps heureux !
ENTREE DE HUIT FOUX
Avec leurs Marottes
Dialogue de deux fousx amoureux.
LE SECOND MUSICIEN
Je ne saurais vivre sans toi.
LE PREMIER
Je t’aime, tu n’aimes que moi.
A DEUX
Découvre, ma chère
Marotte,
Ton beau sein, ta belle
menotte,
Ne nous cachons rien
entre nous.
Que le plaisir d’aimer
est doux !
Ah, je me pâme à tes
genoux.
Chantons donc sur la
même note,
Que nous ne serons
point jaloux,
Puis que
chacun à sa marotte.
Les fFousx
font quelque marche, et finissent la pièce.
FIN